L’assurance vie est un outil privilégié pour organiser la protection de vos proches en leur transmettant à votre décès les capitaux non consommés. Mais, pour que vos bénéficiaires puissent en profiter, il convient de soigner la rédaction de votre clause bénéficiaire. Et si vous avez placé des capitaux importants, il peut être intéressant de prévoir un démembrement dans la clause bénéficiaire afin d’optimiser fiscalement la transmission des capitaux décès à vos bénéficiaires. Abeille Assurances vous en explique le mécanisme.
Une fiscalité spécifique appliquée sur les capitaux décès
Avant de rentrer dans le mécanisme du démembrement du capital décès, il convient de rappeler que l'assurance vie n'est, en principe, pas intégrée dans l’actif successoral du défunt. Elle échappe aux règles de partage entre les héritiers, et est soumise à un régime fiscal spécifique. En effet, quel que soit le lien qui vous unit à votre bénéficiaire, les règles fiscales appliquées restent les mêmes pour les versements réalisés avant 70 ans. Elles diffèrent toutefois pour ceux réalisés après 70 ans :
Ces règles fiscales ne s’appliquent pas si le bénéficiaire est le conjoint et le partenaire de PACS(1), et diffèrent si votre contrat d’assurance vie a été souscrit avant le 12 octobre 1998 ; si vous disposez d’un tel contrat, n’hésitez pas à demander à votre conseiller Abeille Assurances la fiche conseil présentant les spécificités fiscales de votre contrat.
La particularité de la transmission des capitaux décès après 70 ans
Si le contrat d’assurance vie a été alimenté avant 70 ans, les sommes transmises au(x) bénéficiaire(s) sont donc transmises dans de bonnes conditions fiscales, voire sans fiscalité pour le conjoint et le partenaire de PACS. Mais, si ce ou ces bénéficiaires replacent ces capitaux sur leur propre contrat d’assurance vie alors qu’ils ont plus de 70 ans, à leur décès, la fiscalité sera alors beaucoup moins intéressante.
Exemple d'une double transmission sans démembrement : un couple marié possède chacun un contrat d’assurance vie sur lesquels ils ont capitalisé chacun 200 000 €, l’ensemble des versements ayant été réalisés avant leurs 70 ans respectifs. Ils ont deux enfants. La clause de leur contrat est une clause standard : « mon conjoint, à défaut, mes enfants, par part égales entre eux… ». Au premier décès des conjoints, alors qu’ils ont tous les deux plus de 70 ans, le survivant reçoit donc 200 000 €(2) qu’il replace sur son propre contrat. Peu de temps après, le second conjoint décède sans avoir consommé les capitaux décès placés de 400 000 €. Les enfants recevront chacun :
- Pour la part des capitaux décès issus des primes versées avant 70 ans, 100 000 €(2) nets de fiscalité puisqu’ils bénéficient chacun d’un abattement de 152 500 € sur cette part des capitaux décès.
- Pour la part des capitaux décès issus des primes versées après 70 ans, 30 500 € seront exonérés(3) , le solde, soit 169 500 €, étant taxés comme le reste de la succession. Si les abattements de 100 000 € sur les successions entre parent et enfant sont consommés par le patrimoine immobilier transmis par exemple, ce sera environ 20 % de taxation qui s’appliqueront soit 33 900 € qui seront dus par les enfants. Sur les 400 000 € placés par leur parent décédé en dernier, ils devront donc se partager 366 100 €.
Qu’est-ce qu’un démembrement ?
Le démembrement consiste à morceler le droit de propriété d’un bien en deux parties, l’usufruit et la nue-propriété, chacune disposant de droits spécifiques. Ainsi, pour un bien immobilier, les héritiers bénéficient :
- L’usufruitier a le droit d’utiliser le bien, c’est-à-dire d’y habiter ou d’y loger d’autres personnes, et le droit d’en tirer des profits (de le mettre en location et d’en percevoir les loyers). Ces droits disparaissent au décès de l’usufruitier. Ils ne peuvent être cédés à un tiers.
- Le nu-propriétaire bénéficie surtout d’un droit futur à en être plein propriétaire, au décès de l’usufruitier. Il peut néanmoins céder sa nue-propriété à un tiers avant cette échéance.
La transmission de capitaux décès démembrés
Démembrer les capitaux issus de votre contrat d’assurance-vie consiste à attribuer ces capitaux, d’une part à un ou plusieurs usufruitiers et, d’autre part à un ou plusieurs nus-propriétaires. Mais, transmettre des capitaux décès revient à partager une somme d’argent entre usufruitier(s) et nus-propriétaire(s). Mais comment profiter d’un usufruit sur une somme d’argent sans la consommer, jusqu’à la faire disparaître ? Compte tenu de cette situation particulière et afin de ne pas priver de ses droits l’usufruitier, le Code Civil offre alors à l’usufruitier sur les « liquidités » transmises lors d’une succession un droit spécifique nommé le « quasi-usufruit ».
Lorsque l’usufruit porte sur une somme d’argent, l’usufruitier a, en effet, le droit de disposer librement des fonds comme un « quasi-propriétaire » (article 587 du Code civil), charge pour lui de restituer les fonds à la fin de son usufruit (c’est-à-dire à son décès).
En assurance vie, au décès du souscripteur, la totalité des capitaux du contrat sera donc versée à l'usufruitier en qualité de quasi-usufruitier. A contrario, les nus-propriétaires n’ont aucun droit sur la gestion des fonds soumis au quasi-usufruit pendant la durée de l’usufruit. Ils ne reçoivent rien au décès du souscripteur assuré du contrat d’assurance vie, mais disposent d’une créance de restitution qui sera imputée sur l’actif successoral.
Le devenir des capitaux au décès de l'usufruitier
Les capitaux décès nets de droits et de prélèvements sociaux et fiscaux sont donc remis intégralement à l’usufruitier. Afin de faire connaître les droits de chacun sur cette somme, usufruitier(s) et nu(s)-propriétaire(s) devront enregistrer la dette du ou des usufruitiers à l’égard du ou des nus-propriétaires sur sa propre succession, et le fait que le(s) nu(s)-propriétaire(s) pourra disposer librement des capitaux décès, auprès de la recette des impôts ou dans un acte établi devant notaire, dès la constitution du quasi-usufruit.
Au décès du ou des usufruitiers, le ou les nus-propriétaires pourront ainsi disposer d’une dette dans la succession de l’usufruitier, réduisant donc les sommes taxables.
Exemple d'une transmission de capitaux démembrés :
Monsieur et Madame, mariés, âgés de 50 ans, ouvrent chacun un contrat d’assurance vie sur lesquels ils versent chacun 100 000 €.
La clause choisie par les époux est : « mon conjoint pour l’usufruit, et mes 2 enfants X et Y.... pour la nue-propriété… »
Monsieur décède à 72 ans. Les capitaux nets de prélèvements sociaux au jour du décès s’élèvent à 200 000 €.
Les capitaux décès nets de droits sont attribués à l’épouse de 72 ans qui les replace intégralement sur son contrat d’assurance vie sur lequel il y a aussi 200 000 €.
La clause bénéficiaire précisant que la veuve n’était pas tenue de donner caution ni de placer les sommes, elle dispose donc librement de cette somme. Les enfants et elle enregistrent une dette de 200 000 € auprès du notaire de la veuve. Cette créance des enfants sur la succession de leur mère deviendra exigible au décès de cette dernière.
Exemple d'une transmission avec une clause démembrée : (suite)
Madame décède sans avoir utilisé l’épargne disponible sur son contrat d’assurance vie.
Le traitement fiscal des 400 000 € de capitaux décès transmis aux enfants sera :
• Part des capitaux décès issus des sommes placées avant 70 ans : ((200 000 – (152 500 x 2)) x 20 % = 0 € ;
• Part des capitaux décès issus des sommes placées après 70 ans taxable dans la succession : 200 000 – 30 500 = 169 500 €.
Cette sommes vient s'ajouter au patrimoine taxable du défunt, mais est compensée par la dette qu'ont les enfants sur la succession de leur mère.
La part des capitaux décès issue des sommes versées après 70 ans ne sera donc pas taxée, le solde de la dette non consommée (30 500 €) venant en déduction du reste de la succession. Economie minimale de droits pour les enfants : 33 900 € (versus exemple similaire sans clause démembrée).
En choisissant de modifier la rédaction de sa clause bénéficiaire, Monsiuer a permis à Madame d'accepter le bénéfice du contrat afin de se protéger, sans augmenter les droits de succession de ses enfants au second décès !
La fiscalité applicable sur les capitaux décès transmis démembrés
Fiscalement, nu-propriétaire et usufruitier sont considérés comme bénéficiaires au prorata de la part leur revenant, selon le barème fiscal du démembrement. La taxation s’effectuera selon la part reçue par chacun, part déterminée par l’âge de l’usufruitier au moment du versement des capitaux décès :
Calcul de la fiscalité sur les capitaux placés avant 70 ans
Pour la part des capitaux décès issue des sommes placées après 70 ans par le défunt, chaque bénéficiaire non exonéré bénéficie d’un abattement de 152 500 €. Compte tenu du démembrement, le prorata s’effectuera aussi sur l’abattement.
Exemple : à son décès, un mari transmet 200 000 €(4) de capitaux décès issus de versements réalisés avant 70 ans, à ses bénéficiaires qui sont, pour l’usufruit, son épouse de 72 ans, et pour la nue-propriété, ses 2 enfants. Le conjoint n’étant pas fiscalisé, la part des enfants sera imposée : 200 000 € x 70 % = 140 000 € soit 70 000 €/enfant.
Les enfants bénéficient d’un abattement proratisé en fonction de leur part de nue-propriété :152 500 € x 70 % = 106 750 €.
La part proratisée reçue par les enfants étant inférieure à l’abattement, les enfants ne seront pas fiscalisés. La veuve reçoit donc l’intégralité des capitaux décès, soit 200 000 € net de fiscalité.
À noter
Si les parts reçues par les nus-propriétaires et les usufruitiers sont supérieures à la part d’abattement applicable, la taxe de 20 % voire de 31,25 % sera prélevée, ce qui ne permet alors pas à l’usufruitier de toucher 100 % des capitaux décès. Par ailleurs, si le bénéficiaire de premier rang est taxable, il bénéficie d’autant d’abattement que de couple usufruitier / nu-propriétaire. Ainsi, si vous désignez votre enfant comme usufruitier, et vos 2 petits-enfants comme nus-propriétaires, votre enfant bénéficiera de deux abattements de 152 500 €, proratisés de sa part d’usufruit, fonction de son âge au moment du décès du souscripteur. Ainsi, s’il reçoit les capitaux décès à 65 ans, il bénéficiera, pour sa part, d’un abattement de : 152 000 x 2 x 40 % = 122 000 €.
Calcul de la fiscalité sur les capitaux issus de versements effectués après 70 ans
Pour la part des capitaux décès issue de versements effectués après 70 ans, l’abattement de 30 500 € est réparti entre l’usufruitier et le nu-propriétaire selon le même barème fiscal que ci-dessus, mais si l’un des bénéficiaires est exonéré (conjoint ou partenaire de PACS), l’abattement de 30 500 € est alors partagé entre les autres bénéficiaires.
Exemple : à son décès, un souscripteur transmet 200 000 €, issus de versements effectués après 70 ans, à ses bénéficiaires dont 100 000 € de capital et 100 000 € de produits. Ces bénéficiaires sont, pour l’usufruit, son épouse de 72 ans, et pour la nue-propriété, ses 2 enfants.
Le conjoint n’étant pas fiscalisé, seule la part de capital taxable reçue fiscalement par les enfants sera imposée, les produits étant fiscalement toujours exonérés : 100 000 € x 70 % = 70 000 €.
Le conjoint étant exonéré de toute taxation, les enfants bénéficient de l'intégralité de l'abattement de 30 500 € : 70 000 € - 30 500 € = 39 500 € soumis aux droits de succession.
La clause avec démembrement dont le quasi-usufruit a été écarté
Le risque pour les nus propriétaires d’un quasi-usufruit est que l’usufruitier consomme le capital reçu et vide sa succession, rendant la créance irrecouvrable. Cette situation peut devenir préjudiciable particulièrement dans le cas de beaux-enfants vis-à-vis de leur beau-père / belle-mère, conjoint survivant de leur père ou de leur mère prédécédé(e).
Un dernier conseil
Vous pouvez aussi prévoir de démembrer la clause bénéficiaire de votre contrat de prévoyance. Les capitaux décès reçus par le bénéficiaire ne viendront ainsi pas gonfler les droits de succession s’ils ne sont pas intégralement consommés au décès du bénéficiaire.
Vous souhaitez modifier la rédaction de votre clause bénéficiaire actuelle afin d’y intégrer un démembrement. N’hésitez pas à prendre rendez-vous avec votre conseiller Abeille Assurances qui, après avoir étudié votre situation, verra si cette solution est adaptée à vos besoins.
(1) Et, sous certaines conditions, aux transmissions entre frère et sœur.
(2) Nets de prélèvements sociaux sur la part des intérêts transmis.
(3) Si l’abattement n’a pas été utilisé par ailleurs.
(4) Au-delà de l'abattement de 100 000 €, des droits de succession sont dus selon un barème progressif : 5 % sur la part n'excédant pas 8 072 €, 10 % de 8 072 € à 12 109 €, 15 % de 12 110 € à 15 932 €, et donc 20 % si la part taxable dépasse 15 932 €.
(5) Nets de prélèvements sociaux sur la part des intérêts transmis.
(6) Lorsque l'un des bénéficiaires mentionnés au contrat est exonéré (par exemple, conjoint survivant ou partenaire lié au défunt par un PACS), la fraction d'abattement non utilisée par le bénéficiaire exonéré ne bénéficie pas aux autres bénéficiaires au contrat.
Document non contractuel à caractère publicitaire à jour le 06/03/2024